By Professor Ivar Ekeland, le 17 Avril 2020
Nous sommes nombreux, en ce jour de janvier, à avoir reçu le message : « Louis est mort cette nuit ». On ne parlait pas encore du COVID-19, qui était encore confiné en Chine, mais nous savions tous que la santé de Louis, chancelante depuis des années, avait empiré ces dernières semaines. Sa voix au téléphone avait changé, il ne manquait jamais de demander des nouvelles de tout le monde,jusqu’au dernier petit-enfant, mais on le sentait fatigué, et pour ne pas le déranger on allait plutôt chercher les nouvelles du côté de Nanette, et on se les repassait. On l’avait connu en déambulateur, puis en chaise roulante, ce qui ne l’empêchait pas de voyager, mais ces derniers mois il ne pouvait plus quitter New-York. Le corps faiblissait, mais l’esprit était là, et compensait les infirmités par une volonté de fer et un sens de l’humour irrésistible. Pour ceux qui ne l’ont pas connu, il est difficile de décrire ce qu’était l’humour de Louis, une manière d’attendre les calamités de la vie et de les tourner en dérision qui se nourrissait de la tradition yiddish et de son expérience de mathématicien. Son sourire en coin, sa barbiche pointue et son incroyable tignasse lui donnaient une allure de Méphistophélès débonnaire et donnait plus de sel encore à son humour. Il était toujours drôle et jamais méchant : Louis ne disait jamais de mal de personne. C’est de lui que j’ai appris la réponse à la question que nous nous posons tous : «Why do you do mathematics?» «For the grudging admiration of a few friends!». Continue reading →